Démarche de création
C’est à l’occasion de périodes d’observations sur le terrain que je cherche à approfondir ma compréhension des effets induits par la relation entre l’humain et son milieu avec, au centre, les questions liées au développement territorial et à l’environnement : sa fragilité, son évolution, sa préservation.
Depuis plusieurs années, les thèmes conjoints du territoire et du paysage sont au centre de ma pratique artistique, me permettant d’élaborer un dialogue fécond entre les arts et la géographie. Mon processus de création prend ancrage sur le terrain, dans différents territoires parcourus, dont des espaces naturels (par exemple la haute montagne, les glaciers, les volcans, les littoraux), ou encore des régions urbanisées (villes, zones industrielles) selon les projets. Ces espaces – qui peuvent être simplement traversés, mais que je préfère arpenter, marcher et observer lentement, longtemps – deviennent sujets de réflexions et d’inspiration. Ici, la question écologique prend une importance croissante alors que les conséquences liées à l’altération des espaces naturels par l’action de l’homme sont de plus en plus visibles et marquées, et ce, sur un nombre croissant de territoires. Je profite aussi de ma présence dans ces terrains pour procéder à une documentation visuelle, principalement par la photographie et la vidéo.
Du point de vue conceptuel, il s’agit pour moi d’aborder les lieux dans une perspective empirique, d’analyser et de comprendre le caractère spécifique des différents espaces observés. Du point de vue de la création, je souhaite conséquemment traduire et exprimer par l’image la complexité, la multiplicité, mais aussi l’unicité de ces territoires et de leur perception.
À l’atelier, le dessin est particulièrement important dans ma pratique. C’est un mode d’expression qui me fascine par sa capacité à activer différentes fonctions du signe (indicielle, iconique, symbolique) et à opérer dans plusieurs champs expressifs (artistique, cartographique, scientifique, etc.). Je me plais à réfléchir à cet éventail esthétique et conceptuel depuis plusieurs années. Cela dit, même si le dessin est central, je maintiens une relation constante à la photographie et aux techniques de l’estampe. Concrètement, dans le processus de création, la documentation visuelle recueillie lors de la recherche sur le terrain devient le matériel de base pour la conceptualisation et la création des œuvres. Les esquisses de travail sont réalisées par le traitement infographique des images captées. Ici, le fait de générer les esquisses par l’utilisation de logiciels infographiques répond à un besoin de précision qui peut s’apparenter au travail d’édition cartographique. La réalisation des œuvres, elle, se fait suivant une alliance étroite entre l’automatisation du dessin et le « fait main » afin de singulariser et d’outrepasser le caractère « programmatique » conséquent du numérique. En effet, la richesse expressive et la matérialité singulière des médiums (graphite, aquarelle, gouache…) de même que la succession des choix artistiques qu’ils nécessitent – en incluant parfois l’apparition de phénomènes imprévus – me semblent conférer une richesse visuelle, une présence matérielle et une unicité aux images issues du numérique.